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The Medium : un rêve criant de vérité

The Medium est une aventure d’horreur psychologique à la troisième personne, qui est apparue le 28 janvier 2021, uniquement en version dématérialisée pour Xbox Series et Pc. Le jeu a été développé et édité par le petit studio indépendant polonais Bloober Team, à qui l’on doit les Layers of Fear, The Observer et plus récemment Blair Witch, adaptation des films horrifiques.

“Tout commence par la mort d’une petite fille”

Marianne est une jeune femme douée d’une grande force psychique et d’une certaine lucidité, qui lui permettent de voir ce que les autres ne voient pas, d’entendre ce que les autres n’entendent pas. N’ayant jamais vraiment su où se situait sa place dans le monde, partagée entre celui des vivants et celui des morts, Marianne est capable d’interagir avec l’au-delà, de communiquer avec les défunts, mais aussi de reconstituer des souvenirs appartenant au passé.

L’aventure commence alors que notre héroïne nous introduit dans son rêve le plus récurrent. Depuis son enfance, elle fait le même, encore et encore. “C’est la fin de l’été, une petite fille court dans les bois, la lune, l’odeur des pins et puis… le coup de feu, un rêve criant de vérité.”
Avec le temps, elle a fini par se convaincre que ce rêve s’était véritablement produit. Cependant, une zone d’ombre plane sur sa mémoire. En effet, lorsqu’elle n’était encore qu’une petite fille, un incendie a ravagé son foyer, emportant ses parents et son ancienne vie. Elle-même grièvement blessée, elle a échappé à la mort, mais elle est restée plongée dans le coma un certain temps. Depuis lors, elle a grandi en orphelinat, jusqu’à être adoptée par Jack, un gentil thanatopracteur qui l’éleva comme sa propre fille.

Mais à présent, Jack est décédé et nous prenons pour la première fois le contrôle de Marianne dans l’appartement du défunt, afin de récupérer sa cravate favorite pour son ultime voyage. Émotionnellement, le jeu frappe d’emblée plutôt fort en nous faisant traverser cette épreuve avec notre héroïne qui s’apprête à enterrer sa seule famille.
Mais alors que cette journée ne pouvait pas être pire, un curieux appel téléphonique vient la chambouler davantage. Un dénommé Thomas déclare qu’il détient les réponses que Marianne a passé sa vie à chercher et s’empresse d’ajouter : “Tout commence par la mort d’une petite fille” avant de lui donner rendez-vous à la Station Niwa.

Là-bas, dans cet ancien complexe hôtelier de Pologne, un terrible massacre a eu lieu. Marianne va enfourcher sa bécane afin de s’y rendre, dans le but de rencontrer Thomas, de percer à jour le mystère de ce drame et surtout de découvrir l’origine de ce rêve qui la hante depuis si longtemps.

Jusqu’à présent, Bloober Team nous a proposé des jeux d’horreur psychologique, non pas dépourvus de tout défaut, mais plutôt aboutis et inoubliables dans leur genre. À nos yeux, il s’agit d’ores et déjà d’un studio intéressant, qui produit des jeux avec passion et avec une certaine qualité d’écriture, qu’il nous faut suivre de près. Mais est-ce que The Medium est le digne rejeton de la lignée ou carrément l’œuvre la plus réussie du studio ? Ou bien sera-t-il hélas décevant, en ne parvenant pas à sortir du lot ? 

“Hmmm, qu’avons-nous là ?”

Dans cette aventure narrative horrifique, l’intrigue est le maillon fort. En effet, si sur le papier, le scénario de The Medium ne semble pas transcendant d’emblée, il est pourtant indéniable qu’il est bien travaillé et nous réserve de bonnes surprises. La façon dont l’histoire nous est délivrée, narrée par notre protagoniste au doublage plus que convaincant, au fur et à mesure que nous progressons, en nous confiant ses ressentis, nous tient en haleine et permet de nous sentir concernés. Aussi, The Medium nous invite à découvrir une Pologne du XXe siècle, dans un contexte historique qui rend tout à fait crédible l’univers dans lequel le jeu prend place. Qui plus est, les personnages que nous incarnons ou rencontrons au cours de notre aventure sont tous intéressants et bien doublés, ce qui offre davantage de cohérence à l’œuvre et donne d’autant plus au joueur l’envie de s’impliquer dans le jeu. De même que le rythme entraînant de l’aventure, assez justement dosé, ne fera certainement pas décrocher le joueur. Ajoutez à cela que nous suivons, en réalité, non pas une, mais deux trames scénaristiques qui s’entrecroisent et se complètent, prouvant ainsi que Bloober Team maîtrise l’écriture de son jeu.

Lors de nombreuses séquences du jeu, nous nous retrouverons, comme Marianne, ballotés entre les deux dimensions, physique et spirituelle. Concrètement, nous ferons face à un écran scindé, exactement comme lorsque nous jouons à certains jeux en coopération locale, sauf qu’ici nous devrons gérer seuls les deux morceaux de l’écran. Une moitié représente le monde “normal”, celui des vivants, et l’autre moitié nous dévoile à quoi cela ressemble du côté des âmes égarées ou damnées. Ainsi, le jeu nous invite à progresser dans ces deux dimensions similaires, mais pourtant diamétralement opposées. Bien sûr, ces deux facettes du monde sont étroitement liées, complémentaires même, car on y trouve différents vestiges du passé, tous plus ou moins nécessaires à notre compréhension de cet univers et à notre avancée. Pour élucider tout le mystère de The Medium, mais aussi progresser dans le complexe hôtelier, il va nous falloir débusquer certains objets ou outils importants et résoudre quelques puzzles. Pour le coup, le concept des deux dimensions qui se chevauchent est très bien réalisé. Pour accéder à certains lieux que Marianne ne peut pas atteindre, nous pouvons sortir de son corps afin d’avancer uniquement sous forme d’ ”âme” ou d’énergie psychique. Mais attention à ne pas traîner la patte, car dans cet état, notre médium est plus vulnérable et le temps lui est compté avant de se désagréger. Un système de téléportation à l’aide de miroirs, dignes d’Alice au pays des merveilles, est mis à notre disposition pour aller et venir dans différentes parties de la dimension spirituelle.
Outre les objets à trouver, les lettres et notes que nous ramassons çà et là, et les petits puzzles à effectuer, nous trouvons sur notre route des fragments de mémoires que nous pouvons reconstituer à l’aide du stick directionnel pour en révéler l’essence, mais aussi des échos du passé à cibler en tournant certains objets du décor.
Tout cela laisse à penser que le jeu a mis un certain accent sur l’investigation. Cependant il nous rappelle qu’il est avant tout un survival-horror avec son ambiance lugubre. On a souvent un sentiment dérangeant, alors que nous foulons le sol de la Station Niwa. Les phases de cache-cache ou de course-poursuite que nous aurons à faire pour échapper à l’unique ennemi qui nous traquera durant toute l’aventure renforcent bien cette sensation d’insécurité et de malaise.
Vous l’aurez compris, The Medium propose des mécaniques relativement simples et basiques – qui cela dit fonctionnent -, mais son originalité repose sur son concept bien mis en exergue.

“C’est du grand art !”

Est-il véritablement nécessaire de vous dire que The Medium est d’une beauté percutante ? Le jeu est un magnifique hommage à Zdzisław Beksiński, cet incroyable artiste polonais, au style surréaliste et torturé, dont les personnages presque toujours décharnés et disloqués dérangent autant qu’ils fascinent. C’est un véritable plaisir pour les yeux que de contempler les décors que le jeu nous offre ! Quant aux visages et effets de lumières, ils sont tout à fait réussis. Même les expressions faciales de Marianne sont frappantes, notamment lors d’une cinématique vers la conclusion du jeu, durant laquelle son émotion est parfaitement palpable. On ressent bien le soin apporté aux visuels du jeu et qu’aucun détail n’a été laissé au hasard.

Bloober Team a su tirer sur une corde sensible avec The Medium, et ce dès son commencement, que ce soit avec les thèmes abordés comme l’enjeu final. Le studio a remporté le pari de toucher les joueurs, aussi peu sensibles qu’ils puissent être. Il ne faut pas plus d’une pincée d’empathie pour se sentir ne serait-ce qu’un petit peu chamboulé(e) par ce jeu, et notamment par sa fin. D’autant plus lorsque l’on s’est senti(e) entraîné(e) et impliqué(e) dans cette histoire, à travers l’attachante Marianne.
Nous ne vous gâcherons évidemment pas la surprise, mais sachez que le dénouement de The Medium ne laisse pas indifférent tant il est inattendu et de ce fait : marquant.

“Qu’est-ce que ça cache ?”

Si le jeu a une faiblesse, c’est bien son optimisation ; du moins, sur pc. Ce sont, hélas, surtout les séquences avec l’écran scindé qui réduisent considérablement la qualité de l’image et font subitement traîner ou saccader les animations. Malheureusement, certaines cinématiques ont la fâcheuse manie de laguer, et nous avons même rencontré une situation de crash complet. Ceci dit, The Medium sauvegarde automatiquement notre progression très régulièrement, ce qui nous épargne de recommencer tout un passage, en cas de retour Windows inopiné. Mais malgré cette désagréable sensation de lag, ce problème d’optimisation ne parvient fort heureusement pas à nous sortir de l’histoire, et encore moins à nous ruiner le plaisir de jouer à The Medium.

Un autre léger bémol, toutefois notable, est que quelques passages du jeu s’avèrent peu pertinent, voire même un peu brouillon. En effet, certaines parties de cache-cache avec la monstruosité qui pourchasse Marianne n’ajoutent rien, pas même un brin de tension, si ce n’est qu’elles coupent le joueur dans son élan. De ce fait, ces phases cassent brièvement le rythme de l’aventure, sans raison valable ni grand intérêt. D’autant plus qu’elles ne relèvent d’aucune difficulté particulière ; pour ne pas dire qu’elles sont souvent beaucoup trop simples et courtes pour réellement insuffler de l’angoisse au joueur. Et nous pensons à un de ces moments précis où nous devions fausser compagnie au monstre, mais que l’ouverture pour y parvenir était si mince, que ça compliquait bêtement l’opération. Ainsi, il n’était parfois pas évident de vraiment comprendre ce que le jeu attendait précisément de nous, sans mourir quelques fois. Sans compter qu’il n’y a aucun moyen de passer les cinématiques déjà visionnées ; ce qui nous contraint de revoir encore et encore la même scène avant de pouvoir retenter notre chance. Ajoutez à cela des temps de chargement assez longuets à chaque trépas. Voilà qui brise un peu la cadence, surtout lors d’une séquence de course-poursuite qui se voulait effrénée.

Pour finir, ce n’est que notre avis, mais le jeu manquait éventuellement d’un peu plus de frissons ! L’ambiance sombre et inquiétante est au rendez-vous, mais passé les premières heures, notre appréhension retombe drastiquement, comme si le danger n’était plus si redoutable.
Nous déplorons de n’avoir à aucun moment eu le sang glacé. Certes, le but d’une œuvre d’horreur psychologique n’est pas obligatoirement de nous faire frémir d’effroi ou bondir de notre siège. Toutefois, on aurait peut-être davantage apprécié être pris aux tripes de sorte qu’on demeure hantés par cette expérience vidéoludique.
En revanche, ce dernier point ne déplaira pas aux moins courageux d’entre vous.

“Venez-en au fait, je vous prie !”

The Medium n’est peut-être pas un jeu exceptionnel, mais, malgré quelques soucis d’optimisation, il est bon et suffisamment percutant pour rester gravé dans nos mémoires de joueurs. Ce n’est certainement pas notre Gwak de l’Année, mais le titre a le mérite d’exister et de proposer une histoire originale et surprenante, avec un concept intéressant et bien exploité.
En tout cas, si vous aimez les jeux narratifs très couloirs, légèrement lugubres sans être vraiment effrayants, avec une bonne intrigue dotée de rebondissements, quelques puzzles et un soupçon de lecture, l’équipe Gwak vous recommande ce jeu.
Et nous adressons tout notre soutien à Bloober Team pour leurs futurs projets!

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Trish

Je suis Trish, L'impératrice des Rêveurs. J'aime manier les mots, l'arc et le fusil à pompe. Je taille mes critiques d'un revers de plume affûtée. D'un tempérament brut, je tire à balles réelles.

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