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Ghost of Tsushima : Samouraï Creed

Le nouveau jeu de Sucker Punch est sorti depuis quelques semaines et nous avons eu largement le temps de nous y confronter. L’expérience a été d’une richesse rare, que ce soit par son esthétique ou son contenu ludique. Est-ce que cela est suffisant pour en faire une œuvre majeure ? C’est la question à laquelle on va tenter de répondre sur ces quelques lignes.

L’homme a du génie lorsqu’il rêve

Par le passé, le studio nous avait habitués à des jeux manquants de personnalité comme la série des Infamous qui avait comme objectif de surfer sur le succès d’Assassin’s Creed, ou alors Sly Raccoon petite série qui ambitionnait d’être la énième mascotte de Sony. Depuis 2014 et la sortie d’Infamous First Light, nous n’avions plus beaucoup de nouvelles, mais coup de théâtre pendant l’E3 de 2017, on découvre la première bande-annonce de Ghost. Un jeu, muni d’une personnalité forte, se déroulant dans une période du Japon assez peu décrite dans le média vidéoludique.

C’est donc mû d’une grande curiosité que l’on a mis les mains sur la copie du jeu que nous avait envoyé Sony. Sucker Punch nous a tant habitués aux titres manquant de personnalité et d’ambition que de le voir sortir des sentiers battus tient du miracle.

Être un artiste signifie ne jamais détourner les yeux

Le jeu nous met entre les mains de Jin Sakai, un jeune samouraï a la tête du clan du même nom qui aux côtés de son oncle le seigneur Shimura tente de repousser l’invasion mongole de Tsushima. La première bataille s’avèrera fatale pour le camp des défenseurs et les samouraïs seront quasiment tous anéantis. À ce moment-là, votre mission sera de reconquérir l’ile de Tsushima et pour se faire toutes les méthodes seront bonnes.

Tous les moyens de la production ont été mis sur la mise en scène et les graphismes, cela saute aux yeux. La direction artistique est irréprochable, la PlayStation vomit ses tripes à grand coup de vrombissements de son ventilateur pour chaque image affichée. L’ambiance aussi a été extrêmement bien travaillée avec sa bande sonore saisissante, on la croirait tout droit sortie d’un film de Kurosawa. Les doublages sont irréprochables, que ce soit en anglais, français, Espagnole ou japonais, l’expérience restera de la même qualité. Alors certes, pour une expérience plus authentique on choisira le japonais, mais il est rare d’entendre une version française aussi bonne.

Au cours de l’aventure, vous aurez de nombreuses possibilités pour vous défaire de l’envahisseur. D’un côté, avec le code de l’honneur du samouraï, en menant de front toutes les batailles qui ne manqueront pas de vous rappeler que ce n’est certainement pas la meilleure méthode. De l’autre celles du Shinobi ou guerrier de l’ombre, qui consistera à assassiner tous les combattants que vous croiserez, et cela quel que soit la méthode.

On se rend rapidement compte que l’honneur n’est pas à la hauteur du challenge qui vous attend. Le titre ne vous récompensera jamais pour avoir attaqué de front et au début c’est même le contraire. La frustration vous mènera à opter pour l’ombre, qui est elle-même au centre du scénario. Sans vous spolier, ce choix est au centre de la narration et à aucun moment le joueur ne pourra s’en détourner. Il devra absolument devenir le fantôme, sans la possibilité de retourner ce destin. C’est une linéarité scénaristique qui peut se comprendre, mais elle entraînera irrémédiablement de la frustration de la part d’une partie des joueurs.

Le gameplay d’infiltration est extrêmement simple et on ne va pas tergiverser : c’est du Assassin’s Creed. Vous vous cacherez dans les hautes herbes et les lieux hauts pour abattre votre lame. Les parcours sont même balisés pour ne pas perdre les moins doués d’entre nous. Lors des affrontements, vous aurez différentes poses à dispositions en fonction des types d’ennemis. Tout cela est simple, efficace et certaines personnes diraient même : « scolaire ». Par contre les duels, eux, font preuve de plus d’audace avec une mise en scène léchée et une difficulté rehaussée. Mais ne vous attendez pas à de la recherche, c’est encore du « pierre feuille ciseau ».

Un couché de soleil saisissant

Les activités s’enchainent à un rythme effréné, entre les entraînements sur les bambous, les haïkus à composer sur fond de décors zen, d’onsens revigorants, de camps et villages à libérer… Ce ne sont que quelques exemples, car à côté de cela il faudrait encore parler des quêtes secondaires et autres collectibles à récupérer tout au long de votre périple. Habituellement, ce trop-plein serait une qualité pourtant, ici il dessert l’immersion. La surface de jeu est d’une quinzaine de kilomètres carrés, tout est à portée de 2 minutes de cheval au plus. Après la prise de conscience que tout se chevauchait, notre expérience a totalement changé, nous sortant de celle-ci.

On aurait aimé avoir des contrées plus grandes, pour pouvoir galoper plus longuement avec les mêmes décors enivrants. On aurait adoré se perdre dans des cités plus grandes aux rues multiples et à la géographie tracée à la règle. Dans ce cas inutile d’ajouter des activités ou des PNJ, ce qui a été fourni est largement suffisant pour rendre crédible une carte deux à trois fois plus grande. À côté de cela, les batailles manquent d’ampleur, au plus le jeu affichera 10 protagonistes à l’écran, pour les escarmouches ça marche, maintenant imaginez les sièges de cités ou de forteresses. Le problème est qu’on a l’impression que l’on se marche dessus et que sur l’île tout le monde est le voisin de chacun. C’est dommage, car cela donne un côté « toc » à des décors pourtant travaillés.

La voie du guerrier se trouve dans la mort

Il est préjudiciable de constater que passé la direction artistique propre, on se retrouve avec un jeu générique. L’expérience n’est pas désagréable, mais cet arrière-goût d’Assassin’s Creed sauce samouraï risque de vous rester en travers de la gorge quand l’émerveillement des premières heures sera passé. On attend de pied ferme une nouvelle incursion du studio au pays de Mishima pour voir s’il pourra se défaire des scories d’Ubisoft.

Pour les fans du japon, 3 pour les autres.
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Dataripper

Rédacteur en chef à ses heures, ce maitre rôliste 3e Dan distille la bienveillance nécessaire au bien-être du groupe. Jamais avare d’un bon mot, il dégaine sa plume.

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