Jeux

Remothered : Broken Porcelain

Un éléphant dans un magasin de porcelaine !

Entamée en janvier 2018 avec Remothered : Tormented Fathers, la série de Survival Horror du studio Stormind Games se poursuit en octobre 2020 avec Remothered : Broken Porcelain. Suite directe, le jeu met en scène le personnel et les pensionnaires troublés de l’auberge Ashmann.

Adolescentes indisciplinées, la domestique Jennifer et son amie Lindsay vont être les témoins de curieux phénomènes liés aux résidents de l’auberge. Le duo cherchera donc à s’enfuir, sain et sauf, de ces lieux cachant les secrets d’un passé douteux. En parallèle, Rosemary Reed, la protagoniste du premier  Remothered, poursuivra sa recherche de Celeste Felton, la fille adoptive de Richard Felton, toujours portée disparue. Elle croisera notamment le chemin du propriétaire désormais défiguré de l’auberge Ashmann.

Manette en main, comme pour le premier épisode , il s’agira de fouiller prudemment notre environnement pour trouver des objets utiles à notre progression ; tout en veillant à se cacher judicieusement pour échapper à la vue de nos assaillants. Là où le premier épisode avait du potentiel à tout niveau, il échouait littéralement en matière de maniabilité et de jouabilité par ses trop nombreux défauts qui gâchaient l’expérience du jeu et le rendaient éreintant à terminer. Nous espérions que cette suite soit plus réussie sur ce point…

La question à laquelle nous tâcherons alors de répondre dans ce Test, est la suivante : Remothered : Broken Porcelain est-il techniquement aussi désastreux que son prédécesseur ou y-a-t-il du mieux ?

Mais où sont donc les sourds pour qui la musique est si forte ?!

L’histoire bien qu’assez complexe à suivre et à bien cerner, était la majeure qualité du premier. À la fin, il semblait assez évident que le jeu se suffisait à lui-même, bien que nous n’ayons pas véritablement accompli notre objectif principal : retrouver Celeste Felton. C’est donc avec étonnement que nous avons vu arriver cette suite. Dans Broken Porcelain, le scénario est encore une fois alambiqué tout en restant intrigant et travaillé. Toutefois, l’on s’y perd à plusieurs reprises, notamment concernant l’identité des personnages qui s’emmêlent au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans les différentes temporalités avec lesquelles jongle l’histoire. Mais le voile du mystère finit par se dissiper, nous laissant y voir plus nettement, dans un final franchement bon et même un tantinet émouvant.

Si l’ambiance du premier épisode était plutôt réussie, le second affirme le cachet propre à la série, avec une identité sonore particulière et reconnaissable, ainsi que des visuels encore plus léchés et toujours détaillés. L’univers du jeu s’en trouve d’autant plus crédible et réaliste. Là où certaines animations étaient réellement ratées dans Tormented Fathers, elles sont de bien meilleure qualité dans ce second volet. Nous pensons notamment à certaines exécutions, par exemple lorsque nous nous faisions trancher le visage par la serpe de notre premier assaillant dans le précédent Remothered ; c’était mal fait et cela tournait la scène en ridicule plus qu’autre chose. Ici, les mises à mort sont nettement moins vilaines à regarder. De même pour l’animation de course, qui était tout bonnement misérable par le passé, elle s’avère bien plus fluide et réaliste à présent. Après tout, lorsqu’on souhaite s’évader d’un endroit hostile dont on est retenu captif, il est plus logique de courir franchement et rapidement, que de trottiner en talons aiguilles en se déhanchant de façon tout sauf naturelle. Dans Broken Porcelain, on apprécie la vigueur de notre héroïne, bien qu’elle soit limitée par une barre d’endurance à surveiller.

Quant à l’aspect sonore du jeu, il va falloir nous y pencher d’un peu plus près, car il y a eu du gros travail de fait dessus ! En effet, nous avons droit à une piste audio composée de pas moins de vingt-huit titres originaux. Certains de ces titres se répéteront à des moments précis du jeu, par exemple lors des diverses apparitions d’un même boss, toujours accompagné de son thème sonore. On ne peut nier que c’est agréable d’entendre des musiques variées, d’autant qu’elles sont franchement de qualité, même s’il n’est pas exclu que l’une d’entre elles agace à la longue. Par contre, il est de bon ton de préciser que le mixage du jeu souffre peut-être de quelques irrégularités quant au volume tantôt faiblard, tantôt tonitruant, de la musique comme des voix. Enfin, il est nécessaire de rappeler que le premier volet souffrait d’un problème véritablement irritant : il était impossible de se fier à son ouïe pour déterminer où se situait notre ennemi. Il pouvait tout aussi bien être dans la pièce d’à côté, à l’autre bout du couloir, à l’étage du dessous ou encore au parfait opposé de notre position, sans que l’on puisse discerner si sa voix était proche ou lointaine. Cela nuisait grandement à notre infiltration dans la demeure des Felton. C’est avec le sourire aux lèvres que nous pouvons constater qu’il y a du progrès de ce côté-ci pour le second épisode de la série. Sourire en coin, tout de même, car le problème persiste encore un peu, mais de façon moins gênante pour progresser dans l’auberge Ashmann. De même que nos ennemis, qui nous entendaient autrefois dès que nous n’étions plus accroupis, ne sont plus alertés que par le bruit de nos pas en pleine course.

Fais-moi mal, Johnny !

Notons que quelques nouveautés ont été ajoutées à Broken Porcelain. En soi, aucune n’est une mauvaise idée, mais c’est au niveau de l’exécution que le bât blesse.

En premier lieu, abordons le cas des affrontements. Le précédent volet ne permettait pas à proprement parler de vaincre un assaillant, mais seulement de le ralentir quelques instants en lui plantant une arme blanche de fortune ou bien d’assister à sa mort lors d’une cinématique. Il nous est maintenant possible d’attaquer un ennemi, au corps à corps comme à distance, selon l’outil ou l’arme dont nous disposons. Parfois, nous ne pourrons que le mettre au tapis momentanément, ou bien lui infliger le plus de dégâts possible afin de le faire fuir, pour conclure un chapitre. D’autres fois nous pourrons définitivement l’éliminer. Cet ajout est franchement bienvenu, ne nous plaçant plus uniquement en position de détresse et d’impuissance, avec pour seule option celle de nous résoudre à prendre nos jambes à notre cou ou à nous cacher méticuleusement. Ceci dit, comme dans le premier Remothered, il faudra au préalable se munir d’une quelconque lame (couteau, aiguille à tricoter, pelle à tarte, etc.) comme il y en a disséminé un peu partout dans la bâtisse. Il ne faut pas omettre que ces objets de défense ne sont qu’à usage unique ! Seules certaines armes, mises à notre disposition à des passages clés du jeu, peuvent être utilisées à l’infini. Jusque là, rien de dérangeant, au contraire. Le défaut de ces affrontements de boss est que le corps à corps est mal fagoté. En réalité, nous ne pouvons pas toucher un assaillant avec un couteau, par exemple, tant qu’un Quick Times Event ne s’enclenche pas. Ainsi, nous sommes contraints de venir nous poster à portée de notre adversaire, subissant ses coups, jusqu’à ce qu’apparaisse à l’écran la touche qu’il nous faut marteler pour réussir une contre-attaque. Il existe bien un bouton d’esquive, permettant normalement d’éviter une attaque adverse, mais cela ne fonctionne qu’une fois sur quatre et effectuer une esquive annule toute possibilité de réaliser le Quick Times Event. Le résultat est donc le suivant : on se laisse bolosser jusqu’à ce qu’on puisse placer un contre. Ensuite, il ne nous reste plus qu’à courir chercher une nouvelle arme, et rebelote ! À distance aussi, il y a quelques pépins : entre le pistolet à clou qui, malgré que l’on tire bien sur la cible souhaitée, ne produit aucun effet cinq fois sur dix, les briques que l’on peut jeter sur notre adversaire qui se lance de manière aléatoire tant la visée est imprécise et le pistolet qui s’avère purement inefficace contre un ennemi qui se montre invincible… Nous sommes gâtés ! Même si ce dernier cas sert à justifier un point de l’histoire, il faut reconnaître que c’est plutôt illogique de nous donner une arme à feu et de lancer un boss à nos trousses, si on ne peut pas faire usage de cette arme pour s’en débarrasser, vous ne croyez pas ? Nous ne nous étendrons pas sur la fâcheuse tendance des boss à passer au travers des portes, à nous attraper à une distance phénoménale, ou encore à nous tuer alors que le script venait, un instant plus tôt, de souligner notre victoire dans ce combat.

Sans vous gâcher la surprise, une nouvelle mécanique de jeu intéressante présente dans ce Broken Porcelain, consiste à employer le don de Jennifer pour prendre possession d’un papillon. Ainsi, il nous est possible de nous faufiler dans des endroits inaccessibles à notre héroïne, ou bien de faire distraction auprès de ceux qui nous traquent. Encore une fois, l’idée est bonne et tout à fait raccord avec l’univers de la série ; les papillons étant omniprésents depuis le début de la franchise, même jusque dans le titre : “Re-moth-ered”. Ceci dit, la durée de l’effet papillon est totalement variable. Lors d’une séquence, nous allons pouvoir l’utiliser durant environ dix minutes, tandis que durant d’autres passages, nous ne pourrons pas l’utiliser plus de cinq secondes et ce même en prenant plusieurs minutes pour recharger la barre du don au maximum. En plus d’être illogique, c’est assez exaspérant lorsque nous avons besoin d’agir rapidement, mais que la trajectoire prévue pour le papillon est assez longue. Sans parler du fait qu’il est fastidieux de manœuvrer le papillon qui est d’une rigidité hors pair ! Il nous semble également important de préciser que ce pouvoir est limité. Bien entendu, nous ne pouvons pas posséder le corps du papillon n’importe quand. Il va de soi que nous ne pouvons pas faire appel à notre don lorsque nous sommes à la vue d’un ennemi, puisque cela implique que nous sortions de notre enveloppe charnelle, la délaissant telle une coquille vide. Si nous sommes frappés sous forme humaine à ce moment-là, nous sortons immédiatement du corps du papillon et il nous faudra patienter avant de pouvoir réitérer l’opération. Mais le plus idiot, est qu’il nous est impossible d’utiliser le don en étant dans une cachette ; ce qui aurait été bien plus pratique, n’est-ce pas ? Ainsi, le plaisir de la découverte de cette nouvelle capacité cède rapidement la place à l’agacement de devoir en faire usage.

La dernière nouveauté de ce jeu, par rapport à son prédécesseur, est la mise en place d’une sorte de boîte à musique, permettant d’échanger des clefs papillon dispersées dans toute l’auberge contre des compétences. Là encore, cet ajout est pertinent et donne un réel sentiment de puissance grandissante ; du moins, au premier coup d’œil. Hélas, nous avons dégoté seulement deux boîtes dans tout le jeu, ce qui, on ne va pas se le cacher, est trop peu. Nous n’avons pas ressenti de changement considérable entre avant et après l’acquisition d’une aptitude ou d’un passif, même à son niveau maximal. Cet arbre de compétences avait donc uniquement l’air bien, mais s’avère décevant, voire carrément inutile.

C’est la bonne souplette, messire !

Le studio de développement italien Stormind Games a visiblement fait des efforts avec Remothered: Broken Porcelain, mais malgré tout, leur jeu demeure quelque peu à la ramasse en termes de jouabilité et de maniabilité. Aussi, le rythme du jeu est totalement irrégulier. Il y a de longs moments où nous ne touchons qu’à peine la manette, contemplant des cinématiques à n’en plus finir. D’autres séquences ne sont constituées que d’affrontements de boss qui se succèdent, sans répit. De même que certains chapitres s’étirent en longueur, alors qu’il ne se passe rien de bien trépidant. Et à l’opposé, lorsque nous sommes en pleine action, dans un rythme presque effréné, nous sommes tirés de l’immersion par de minuscules cinématiques de quelques secondes, sans la moindre cohérence ni pertinence. Il n’y a pas de juste milieu.

C’est dommage, car on sent qu’ils ont véritablement essayé d’améliorer la recette. Mais en fin de compte, peu des nouveaux ingrédients ajoutés au mélange ne fonctionnent efficacement. Sans doute ont-ils trop pioché dans les mécaniques déjà arriérées et mal gérées du précédent épisode. Nous sommes tantôt ravis de constater les progrès effectués entre les deux volets, tantôt blasés de remarquer que ce n’est hélas pas encore au point. Cependant, Remothered: Broken Porcelain n’est pas injouable et très certainement moins laborieux à achever que son prédécesseur. C’est d’ailleurs objectivement plutôt une bonne suite, qui conclut très bien la série. Il serait mesquin de notre part de décréter qu’il s’agit d’un mauvais jeu. Toutefois, il est évident que ce n’est pas un chef d’œuvre. Loin de là même. Mais la dilogie a le mérite de nous conter une histoire franchement originale, le tout dans un univers intéressant, avec un grain artistique très reconnaissable.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas recommander cette œuvre au grand public, qui n’y trouvera certainement pas son compte. Mais aux joueurs aguerris, férus de challenge, à qui les jeux d’horreur et les mécaniques datées ne font pas peur, nous vous laissons vous frotter à la série Remothered. De notre côté, nous espérons que les développeurs continueront à produire des jeux horrifiques, mais qu’ils ne ressusciteront pas Remothered avec un troisième volet !

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Trish

Je suis Trish, L'impératrice des Rêveurs. J'aime manier les mots, l'arc et le fusil à pompe. Je taille mes critiques d'un revers de plume affûtée. D'un tempérament brut, je tire à balles réelles.

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